Je n’attendais rien de particulier de Philadelphie, ce qui est sans doute le meilleur moyen d’être cueillie.

J’avoue que j’avais de la ville une image mentale assez floue et, si j’en connaissais un peu l’histoire et quelques images (Philadelphie et les débuts de l’Indépendance, Philadelphie et ses maisons de brique rouge), j’en ignorais l’âme sans pareille : Phila-delphie, la « ville de l’amour fraternel », ça aurait pourtant dû me mettre la puce à l’oreille !

Car alors qu’à New York dont nous arrivons il n’était question que de concurrence, de course au toujours-plus, de surenchère pour conquérir sa place au soleil, à Philadelphie on parle solidarité, concorde, fraternité. De ce point de vue, la ville est encore l’héritière de William Penn, le quaker du 17e siècle auquel l’Etat de Pennsylvanie doit son nom, qui prônait toutes ces valeurs et notamment la cohabitation pacifique avec les Indiens.

(Quand on aperçoit la statue de Penn au-dessus de l’hôtel de ville, on croit avoir la berlue tant elle est immense avec ses 167 mètres de haut !)

Et comme pour illustrer l’esprit qui règne ici, notre visite commence précisément par la promenade du Mural Mile : un parcours qui passe devant une quinzaine des fresques dont la ville est aujourd’hui couverte (il y en a plus de 3 000 !), suite à un programme de revitalisation urbaine par l’art inauguré dans les années 1980. A chaque fois, le quartier, les écoles, les associations ont été associés à la conception et à la réalisation des œuvres, et celles qui ont été choisies pour le Mural Mile ont très souvent pour sujet les laissés-pour-compte, les opprimés : les Noirs, les sans-abri, les femmes, les prisonniers, les homosexuels… même les animaux abandonnés n’ont pas été oubliés!

On n’est pas obligé d’apprécier l’esthétique de toutes les fresques et tout cela pourrait avoir un côté prêchi-prêcha si l’efficacité sociale de ce programme n’était pas avérée et s’il n’avait pas fait de la ville un musée à ciel ouvert, y compris dans les quartiers les moins favorisés.